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Langoëlan
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6 mai 2015

Langoëlan sous la Révolution ou Pierre-Rémond du Chélas

Langoëlan sous la Révolution

ou

Pierre de Rémond du Chélas


 

 

                                  Pierre Rémond du Chélas

 

 


 

 

 

En mai 1789 s'ouvraient à Versailles les Etats Généraux qui réunissaient les députés du royaume de France à l'appel du roi Louis XVI pour résoudre la crise financière et politique qui s'aggravait.

A Langoëlan, deux habitants furent désignés comme députés du Tiers-Etat: François Le Cocq et J.J Cloarec1, deux paysans influents de la paroisse qui comptait 1316 habitants . Les deux représentants partirent pour Hennebont où ils présentèrent leurs cahiers de doléance composés avec tous les Langoëlanais. Une des revendications les plus importantes dans ces cahiers était la suppression ou du moins l'adaptation du domaine congéable2 . Ce type de contrat entre le propriétaire d'une tenure agricole et son domanier était jugé par les tenanciers trop favorable au propriétaire. En décembre 1790, à la fin de la réunion des Etats Généraux, lorsque les décisions définitives furent prises, ce système ne fut pas aboli. Cela entraîna un vif mécontentement dans les campagnes.

La Révolution, la chute de la monarchie et la mise en place d'un gouvernement républicain provoqua certains changements dans le paisible bourg de Langoëlan et créa des tensions vives entre républicains et royalistes qui durèrent...jusqu'au début du XX siècle!

Le recteur de Langoëlan et son vicaire s'opposèrent ouvertement au régime républicain naissant. Julien Mahéo, le curé et Vincent Le Luherne, son vicaire, furent considérés comme des meneurs par le gouvernement. Ils avaient en effet avoir refusé de prêter serment à la constitution civile3 du clergé qui les liait à la République et qui supprimait de fait l'autorité du Pape. Les deux prêtres craignaient une dénonciation. Ils durent vivre clandestinement, aidés par des villageois. Le 23 août 1792, ils seront enfermés à la citadelle de Port-Louis avec 16 autres prêtres du district. Un prêtre jureur, c'est-à-dire ayant prêté serment, fut installé dans la paroisse de Langoëlan. Il s'agissait de l'abbé Auffret, qui vint du Faouët en avril 1791 mais qui quitta la commune en septembre 1791. Son successeur, l'abbé Jean Le Pollotec s'installa dans sa nouvelle paroisse. Il n'y resta que quelques semaines et partit pour Ploërdut.4

A la même époque, la révolte grondait et la chouannerie fit son apparition en Bretagne et en Vendée. La chouannerie fut initiée par le marquis de La Rouerie, officier ayant fait la guerre d'Amérique. Celui-ci correspondit longtemps avec un certain Pierre de Rémond Du Chélas, seigneur du Rest à Langoëlan. 5

 

Né à Guémené le 16 mai 1759, il est le fils de Jacques Du Chélas, premier seigneur de ce nom, officier dans le régiment Lyonnais d'infanterie, désintégré peu après sa naissance. Pierre du Chélas vécut toute sa jeunesse au manoir du Rest auprès de sa mère Anne De Brossard, fille de Renée Guilloux et de Louis De Brossard, notaire de la seigneurie de Coët-Codu. Pierre du Chélas fit des études poussées et entra à 19 ans au régiment de Navarre où il fut promu sous-lieutenant puis lieutenant et enfin capitaine en second. Son régiment ne participa à aucune campagne durant son service dans ce corps.Pierre du Chélas portant l'uniforme du régiment de Navarre

 

Il épousa le 1er Septembre 1788, Constante Berthou, fille des propriétaires du château de Tronscorff. Ils eurent trois enfants.6 Lors des premiers troubles et émeutes de la Révolution, son régiment était stationné à Rouen.

                                                                         Drapeau du régiment de Navarre

 

 

 

 Le 1er janvier 1791, le régiment de Navarre prêta serment à la République et devint 5e régiment de ligne.7 Refusant ce serment, Pierre du Chélas prétexta une affaire de famille et retrouna dans son manoir du Rest. A Langoëlan il commença à correspondre avec le marquis de La Rouërie. On ne sait pas exactement comment le célèbre marquis de la Rouërie, ayant créé sa "légion Armand" tiré de son pseudonyme, colonel Armand, a rencontré le simple officier Du Chélas et ce qui les a poussés à s'écrire des lettres dont le contenu nous est inconnu. On peut penser que La Rouerie avait besoin d'hommes de confiance, officiers comme lui, ayant une connaissance de la guerre pour pouvoir lancer le mouvement de la chouannerie.

Armand de la Rouërie

 

Le 30 Janvier 1793, près de deux ans après le retour de Du Chélas au pays, le marquis de La Rouerie, trahi, poursuivi et errant de cachette en cachette meurt, épuisé. En apprenant la nouvelle, Du Chélas détruisit toute sa correspondance avec le marquis. Peu de temps après, il se mit à organiser la résistance en suivant l'enseignement de La Rouerie. Il créa un groupe de Chouans pour la paroisse de Langoëlan. Il devint le "meneur" de Langoëlan. 8

Mais il fut probablement dénoncé car en 1792, un détachement de "Bleus", les soldats républicains, vint l'arrêter au manoir du Rest. Du Chélas et sa famille furent emprisonnés durant trois mois à la prison du Faouët.9 Aucune preuve ne fut trouvée contre lui et le commissaire du Faouët n'appliquant pas encore la "loi des suspects" fit relâcher Pierre Du Chélas et les siens.

A sa sortie de prison, il mit ses hommes et sa personne à la disposition de l'armée Royaliste de l'Ouest commandée par Georges Cadoudal.10

Georges Cadoudal

Grâce à son passé d'officier, il fut nommé colonel et prit le commandement de la division du Faouët et de Gourin regroupant toutes les paroisses de ces districts11. Le colonel Du Chélas mit toute sa fortune à la disposition de l'armée Royaliste et sollicita du roi Louis XVIII en exil une rente pour subvenir à ses besoins. Il prit le nom de guerre de "La Couronne"12. Les action des chouans dans le pays se multiplièrent. Certains d'entre eux commirent des atrocités. Les Bleus, les soldats de la République, en firent autant.

Un jour, en décembre ou frimaire dans le calendrier républicain, 60 chouans arrivèrent devant l'église St Barnabé, à Langoëlan, pendant qu'une messe y était célébrée. Ils entrèrent et firent sortir une femme connue pour avoir marié sa fille à un révolutionnaire qui dénoncait et faisait arrêter de nombreux royalistes. Ils la placèrent devant un peloton d'exécution et la fusillèrent.13 Ce sont des chouans qui assasinèrent chez lui l'ancien prêtre jureur de Langoëlan Jean Le Pollotec qui était parti pour Ploërdut.14

 

En mars 1793 eu lieu la révolte des jeunes Langoëlannais. Face à la levée en masse de 300 000 hommes décidée par la Convention le 24 Février 1793, la commune de Langoëlan devant en fournir 12, les jeunes gens refusèrent de partir à la guerre et se révoltèrent. Ils forcèrent les portes des salles de la maison commune, brûlèrent les registres, renversèrent les meubles et chassèrent les commissaires venus pour le recrutement15. Cette révolte se propagea dans d'autres villes: Ploërdut, Lignol, Pontivy, Vannes et Rennes firent de même. A Pontivy 53 paysans furent arrêtés et deux guillotinés. Les commissaires du Faouët donnèrent des instructions pour mâter cette petite révolte à Langoëlan: "votre commune est rebelle...votre révolte ne peut demeurer impunie...la commune devra verser 400 livres pour le déplacement d'un détachement...votre greffier Leroux est suspendu".16

En 1794, de nombreux ornements liturgiques de l'église St-Barnabé et du Merzer furent vendus comme bien nationaux au Faouët dans une vente aux enchères. Trois cloches sur quatre de l'église St Barnabé furent enlevées et partirent aussi au Faouët pour y être fondues.17

Le 28 janvier 1795, Pierre du Chélas et le fameux chef Jean Jan attaquèrent la garnison républicaine de Guémené-sur-Scorff pour se venger des massacres commis par le 2ème bataillon du Jura, à Melrand là où habitait Jean Jan. C'est le lendemain qu'eut lieu l'attaque sur Guémené. Pierre Du Chélas décide d'y participer car il veut mettre fin aux exactions de cette garnison. A cette époque, il a 35 ans. Ils sont accompagnés par Pierre Mercier, dit "La Vendée", Vendéen ayant servi sous les ordres de Bonchamp. L'attaque a lieu le matin. 600 Chouans attaquent 150 Bleus retranchés dans le château des Rohan. Les Chouans emportent un canon et détruisent l'arbre de la Liberté. Fort de leur succès, ils décident de se porter immédiatement sur Le Faouët, où les attend la garnison républicaine, 136 hommes avec 2 canons, prévenue de l'attaque à Guémené-sur-Scorff. Les Républicains, retranchés dans les halles, résistent durant plusieurs heures. Mais pour les Chouans, il s'agit juste d'une attaque de harcèlement pour empêcher les Bleus de s'aventurer hors de la ville. Ils se retirent après quelques heures de combat.18

                                          

 

Le plus bel exploit de Du Chélas est l'attaque de la poudrerie du Pont-de-Buis au mois de juin de la même année. L'armée royaliste avait besoin de poudre. 600 hommes furent choisis pour mener cette attaque dont ceux de Pierre Du Chélas. Le rassemblement des paroisses eu lieu à Guern et toute la troupe se dirigea à pied vers Pont-De-Buis sans être repérée par les Républicains. L'administration républicaine finit par être prévenue du mouvement de cette troupe. 93 soldats républicains partirent pour Guern pour se renseigner auprès du prêtre jureur. Mais les chouans l'avaient abattu pour qu'il ne les dénonce pas et quand les "Bleus" arrivèrent ils ne trouvèrent que son cadavre dans le presbytère. A la poudrerie, le commissaire Campourcy avait décidé de faire évacuer la poudre vers Brest mais lorsque qu'il voulut la faire partir vers 1 heures de l'après-midi, la poudrerie était déjà encerclée et les chouans prirent le dépôt défendu par quelques invalides. Vers 4 heures, les attaquants repartirent avec leur butin caché sous des amas de foin, dans des charrettes en petits groupes. Les cavaliers "bleus" qui patrouillaient pour arrêter une troupe en marche avec de la poudre ne songèrent pas à arrêter ces charrettes isolées dont la première portait une fille du pays. 19¨Les divisions de Lantivy, de Kevéno et de Du Chélas se retrouvèrent à Langoëlan où se fit le partage. Pierre Du Chélas et ses hommes cachèrent la poudre derrière la boiserie du coeur de l'église du hameau du Merzer, à mi-chemin entre le Rest et Langoëlan. Or, peu de temps après, une patrouille de soldats républicains établit son bivouac dans la même église et manquèrent d'y faire tout sauter en faisant du feu.20

 

Attaque de la poudrerie de Pont-de-Buis

 

Un mois après le succès de Pont-De-Buis eut lieu le débarquement de Quiberon. Celui-ci échoua et 757 soldats émigrés et chouans furent fusillés. On peut supposer que du Chélas participa à la manoeuvre qu'accomplit l'armée royaliste de l'ouest pour isoler la baie de Quiberon et permettre le débarquement, étant donnée l'importance de sa division. Lorsque le débarquement échoua, le dernier espoir d'être aidé par les royalistes émigrés et les Anglais venait de s'envoler. La chouannerie commença à tomber. Au bout de quelques mois, les chefs chouans acceptèrent de négocier avec le géneral républicain Hoche, le vainqueur de Quiberon.

Combat de Quiberon

Ils se rencontrèrent le 12 Juin 1796. Parmi eux se trouvait "La Couronne". Cadoudal et Du Chélas négocièrent avec Hoche les conditions de paix: les prêtres réfractaires seront amnistiés, les Emigrés quitteront le territoire, les armes et munitions seront livrées aux "Bleus"...Cadoudal signera la soumission le 19 Juin 1796 et Pierre du Chélas le 25 Juin 1796. Hoche lui proposa alors le commandement d'un régiment car il estimait Du Chélas. Mais celui-ci refusa et se retira dans son manoir où il fut mis sous surveillance pendant 6 ans.21 Durant cette période, certains Chouans continuèrent à se battre. L'un d'eux , De Bar, reprochait à Du Chélas, son ancien compagnon, d'avoir cessé le combat. Il le menaça de mort. Fin mai 1798, il se rendit au Rest, alors que Pierre du Chélas ne s'y trouvait pas avec trois de ses hommes, vêtus de vestes courtes et de pantalons verts. Il perquisitionna partout avec ses hommes et ne trouvant pas celui qu'il cherchait, il repartit en disant: "Tôt ou tard, nous aurons sa tête. C'est un lâche et un traître, il périra". Il menaça aussi de mort le maire de Langoëlan si des habitants de sa commune continuaient à dénoncer les Royalistes aux Républicains.22

                                                                                      Général Hoche

Avec le Concordat, le calme revint dans la commune. Mais malgré tout, une certaine tension subsista entre Royalistes et Républicains. Par exemple, en 1908, soit près d'un siècle après la Révolution, Guillemot Joseph, 24 ans et fervent républicain et Palaric Louis, 20 ans, royaliste, se rencontrèrent dans la cour de la ferme de Coët-Codu. Le "blanc" appliqua une volée au "bleu" à cause de ses idées politiques. Il fut condamné à 30 francs d'amende avec sursis.23Un siècle après la Révolution!

                                                                                                                                         

L'ex-colonel du Chélas devint maire de Langoëlan en 1810 jusqu'en 1826. Il fut nommé Chevalier de l'Ordre de Saint Louis par le Roi Louis XVIII lors de la Restauration, le 7 Novembre 1814. En 1815, durant les Cent-Jours, le retour de Napoléon de l'île d'Elbe, il reforma son groupe d'insurgés, prêt à reprendre les armes comme ce fut le cas en Vendée par les descendants des premiers chefs vendéens: Ludovic de Charette, Louis de La Rochejaquelein... La défaite de Waterloo, l'abdication définitive de Bonaparte et le retour de Louis XVIII ramenèrent la paix dans l'Ouest.

Pierre du Chélas mourut le 8 septembre 1826, au Rest à l'âge de 67 ans. 24

Aujourd'hui dans son manoir du Rest, on peut observer sur une des vieilles poutres un Sacré-Coeur, symbole des Chouans, qu'il aurait gravé lui-même. La rue principale du bourg de Langoëlan porte son nom: rue Duchélas.

Notons pour finir l'histoire du "héros de Langoëlan" que le 2 février 1796, peu de temps avant sa reddition au géneral Hoche, sa fille Marie-Anne Du Chélas-Bisson mit au monde Hyppolyte-Magloire Bisson, le futur amiral qui se fit sauter avec son vaisseau plutôt que de le laisser aux mains de pirates.

 

 


 


 

1 Langoëlan sous la Révolution; Honore Guillemoto, bulletin municipal de Langoëlan

2Ibid

3Ibid

4Ibid

5Pierre de Rémond du Chélas dit La Couronne; Christian Perron, bulletin municipal de Langoëlan, année 2014

6Ibid

7Aujourd'hui il s'agit du 5e régiment d'infanterie (5e RI), l'un des cinq plus vieux de France

8Ibid

9Ibid

10Ibid

11Le Morbihan et la Chouannerie morbihanaise sous le consulat; Emile Sageret.

12Pierre de Rémond du Chélas dit La Couronne; Christian Perron, bulletin municipal de Langoëlan, année 2014

13Le Morbihan et la Chouannerie morbihanaise sous le consulat; Emile Sageret.

14Langoëlan sous la Révolution; Honore Guillemoto, bulletin municipal de Langoëlan

15Ibid

16Ibid

17Le Merzer; Annic Robic, bulletin municipal de Langoëlan, année 2013

18http://souvenirchouandebretagne.over-blog.com/2015/01/guemene-sur-scorff-la-bataille-du-28-janvier-1795.html

19Pierre de Rémond du Chélas dit La Couronne; Christian Perron, bulletin municipal de Langoëlan, année 2014

20Le Merzer; Annic Robic, bulletin municipal de Langoëlan, année 2013

21Pierre de Rémond du Chélas dit La Couronne; Christian Perron, bulletin municipal de Langoëlan, année 2014

22Le Morbihan et la Chouannerie morbihanaise sous le consulat; Emile Sageret.

23Le Républicain de Pontivy (journal), numéro du 13 Septembre 1908

24Pierre de Rémond du Chélas dit La Couronne; Christian Perron, bulletin municipal de Langoëlan, année 2014

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Commentaires
K
Pour la petite histoire en mai juin1968, le 5e rgt d'infanterie stationné au camp de Frileuse n'était pas considéré comme un rgt de grande valeur militaire, il n'était même pas en alerte alors que 3 compagnies de combat (dont la mienne) du 170e R.I. . ainsi que des parachutistes attendaient l'arme au pied dans ce même camp dans le cas d'une insurrection armée dans la capitale.
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